Le crépuscule, une éclipse et l’apocalypse
La Lune, Mars et Vénus s’étaient alignés la nuit suivante ils formèrent un triangle. (1)
J’ai rencontré Elliott dans son atelier en agglomération dijonnaise il y a deux ans, un atelier tout en bois qu’il a construit lui-même, aux contours d’une grange, en bordure des champs. Il abrite plusieurs espaces de vie : la terre pour les plantes, des nids pour les hirondelles et le travail de peinture d’Elliott Lambert.
L’environnement de travail de l’artiste influence évidemment sa peinture, tant par les champs fleuris de son père que par le ciel étoilé de son atelier. Ses peintures sont pleines de vie. Des vies fragiles, des vies qui peuvent être abîmées. Il me raconte les effets des particules invisibles qui, dans l’air et dans les sols, bouleversent nos écosystèmes. Les insectes disparaissent, les végé- taux poussent trop vite ou ne poussent plus du tout. Mais dans les peintures d’Elliott, les fleurs se confondent avec les étoiles. Dans un ciel rose et noir, la lune se couche sur une terre incertaine. La nuit et le jour n’ont plus d’importance. Quelque part, j’aimerais que la fin du monde ressemble aux peintures d’Elliott Lambert.
Elliott travaille par couche, chaque tableau représente une somme de passages. Enduire, peindre à l’aérosol, poncer, vernir, puis finir par peindre à l’huile. Toutes ces techniques produisent des nuages de poussière, des nuages de pigment. Elliott développe ses pièces avec le but d’entre- prendre ce que pourrait être une peinture de science-fiction. Ses paysages sont vaporeux encore une fois, un peu flou, et puis ça explose de temps en temps. Il peint le crépuscule, une éclipse et l’apocalypse en même temps (voir le tableau « Pan »).
L’artiste ne peint pas les fleurs du point de vue d’un butineur ou d’un jardinier. Il les peint dans un paysage vaporisé, les fleurs sont volatiles. Ces motifs récurrents se mélangent à une autre évidence : son amour pour la peinture elle-même. Au fait qu’il ait choisi comme support le bois plutôt que le coton. Que sa générosité se retrouve aussi dans le choix de ses couleurs; utilisant l’accumulation de matière, puis la destruction partielle de celle-ci pour arriver au terme de ce qu’il définit comme une certaine perfection chromatique, saturée mais réfléchie. Pour lui « Le travail est un trésor » (2). Faire de la peinture pour Elliott Lambert, c’est aussi s’entourer de ses amis, qu’il s’agisse de ses conversations avec Hugo Capron, de son attachement et sa curiosité pour les travaux de ses proches ou de son amie Camille Seveno à qui il a fait une petite place au rez-de-chaussée. Bien s’entourer pour se sentir un peu moins seul dans son château de bois.
J’aime le souvenir de notre rencontre dans son atelier. De la vie autour et dedans. De la décou- verte de sa peinture lunaire, sensible et de son travail enthousiaste et acharné. C’était presque l’été. Peut-être que c’était un peu à la même période que maintenant où vous lisez ce texte et que vous découvrez l’exposition Silo d’argent d’Elliott Lambert au Café des Glaces.
(1) Etel Adan, Parler aux fleurs
(2) Jean de la fontaine, Le Laboureur et ses enfants
Lucie Férézou, 2024