Angélique Heidler a pensé Metallic K.O. spécifiquement pour le Ier étage du Café des Glaces à Tonnerre. Elle y présente de nouvelles peintures, en miroir desquelles une installation se dévoile. Le parquet grince sous les pas qui résonnent avec une atmosphère inquiétante lorsque l’on entre dans l’ancienne salle de bal. Les couleurs sont vives et magnétiques, les éléments qui composent les pièces, séduisants. Peintures dorées et argentées rejouent le clinquant des soirées mondaines, et font écho aux plaques de métal qui viennent souligner la matérialité de la toile. Angélique Heidler fait de la peinture avec tout, des objets qu’elle collectionne - résidus désirables de l’ère ultra-libérale - à des brûlures sur la toile laissée presque immaculée. Tissus imprimés, clous rouillés tournés vers l’extérieur, jetons de casino, stickers, rasoirs roses, plaques de métal, shurikens, débris de miroirs, photos trouvées aux puces, image transférée à chaud font autant office de matière picturale que les aplats de peinture dorée et argentée, les touches rapides de rouge et de vert. Pourtant la palette employée est ici restreinte. Les toiles donnent l’air d’avoir été réalisées avec une sorte de sprezzatura. À la compulsivité répond la mise en tension. C’est comme un arrêt sur image au cinéma, à l’instar de la photographie transférée sur Glam Volume Sexy, prise au flash par l’artiste, stoppée nette dans sa marche par la vision fantomatique de mannequins piégés par la grille d’un magasin.

 Ces figures empêchées, objets transitionnels du glamour et de la consommation se tiennent à proximité de I Fight I Rule I Pray I Pay, une installation sculpturale composée comme une peinture. Sous les longs voiles qui ressemblent à une toile d’araignée, des têtes de poupées, se mirent et se répondent à la lueur des lumières, l’une en forme d’étoile. Elle est surmontée par la figure d’une enfant désillusionnée très probablement par l’infini terrible de siècles de toxicité dont le socle est une poubelle. Grinçantes et drôles à la fois, il est plaisant d’imaginer qu’à l’aide d’un mouton en peluche ces filles aliens pourraient créer une dangereuse alliance dont le but serait de balancer les maux du vieux monde au fond de la fosse Dionne. Ce n’est pas suffisant, mais c’est déjà bien. Il y a quelque chose de puissant, d’émancipateur et de dangereux dans le miroitement et dans les oeuvres qu’Angélique Heidler propose pour Metallic K.O. 

‍Les oeuvres se reflètent dans les glaces. Les constituantes menaçantes de cette exposition musclée sont partout éclatées. On ne sait plus où regarder jusqu’à ce qu’on tombe sur sa propre image. Des miroirs brisés ou non sur les peintures et encastrés dans les murs de la salle se confondent. Ils sont coupés par un accrochage sec qui se déploie comme une ligne de basse. À la lumière du jour et de la nuit, les éléments se réfractent de manière hallucinée dans la salle de bal. Metallic K.O. est une exposition qui pourrait être un son de reverb, c'est aussi un enregistrement live des Stooges.